The power of a country road is different when one is walking along it from when one is flying over it by airplane. In the same way, the power of a text is different when it is read from when it is copied out. The airplane passenger sees only how the road pushes through the landscape, how it unfolds according to the same laws as the terrain surrounding it. Only he who walks the road on foot learns of the power it commands, and of how, from the very scenery that for the flier is only the unfurled plain, it calls forth distance, belvederes, clearings, prospects at ‘each of its turns like a commander deploying soldiers at a front. Only the copied text thus commands the soul of him who is occupied with it, whereas the mere reader never discovers the new aspects of his inner self that are opened by the text, that road cut through the interior jungle forever closing behind it: because the reader follows the movement of his mind in the free flight of daydreaming, whereas the copier submits it to command. The Chinese practice of copying books was thus an incomparable guarantee of literary culture, and the transcript a key to China's enigmas.



Walter benjamin, one-way street,
translation Edmond Jephcot and Kingsley Shorter
MARCHANDISES DE CHINE
[...]
La force d’une route de campagne est tout autre selon qu’on y chemine à pied ou qu’on la survole en aéroplane. Ainsi diffère également la force d’un texte si on le lit ou si on le copie. L’aviateur voit seulement comment la route se propulse à travers le paysage, elle se déroule sous ses yeux suivant les mêmes lois que le terrain qui l’entoure. Seul celui qui chemine sur la route prend la mesure de son emprise et réalise comment de ce terrain qui pour l’aviateur n’est précisément qu’une plaine déroulée, elle fait surgir, sur ordre, des lointains, des belvédères, des clairières, des perspectives à chacun de ses tournants, tel l’appel d’un commandant fait sortir les soldats du rang. Ainsi, seul le texte copié commande l’âme de celui qui en est occupé, tandis que le simple lecteur n’apprend jamais à connaître les nouveaux aspects de son intériorité, comme les ouvre le texte, cette route à travers la forêt vierge intérieure s’épaississant toujours et encore : parce que le lecteur obéit au mouvement de son moi dans le libre domaine aérien de la rêverie, tandis que celui qui recopie l’expose à être commandé. Ainsi, la copie des livres en Chine fut la garantie incomparable d’une culture littéraire et une clef des énigmes de ce pays.





Walter benjamin,
Rue à sens unique,

Editiions Allia, octobre 2015 - prix: 7 €
format : 100 x 170 mm
128 pages

traduction Anne Longuet Marx